Sénat, baroud d’honneur

Bioéthique: le Sénat raye la PMA pour toutes de la loi

Le Sénat durcit le ton. Dans la nuit de mercredi à jeudi, les parlementaires ont adopté le projet de loi bioéthique sans la mesure phare du texte – la PMA pour toutes – avec les seules voix favorables de la majorité sénatoriale de droite. Lors de cette deuxième lecture au palais du Luxembourg, les sénateurs ont ainsi revu leur copie. Un an plus tôt, ils avaient donné leur feu vert à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, tout en excluant leur remboursement par la Sécurité sociale.

Dans quelques semaines, sept sénateurs et sept députés se réuniront au sein d’une commission mixte paritaire (CMP) pour tenter de trouver un accord sur le texte. En raison de leurs fortes divergences, un compromis semble improbable. En cas d’échec, le projet de loi serait examiné une troisième fois à l’Assemblée nationale. Cette nouvelle lecture pourrait avoir lieu «au printemps» pour une adoption définitive du texte «avant l’été», confirme le cabinet d’Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles. «Je regrette un peu que le Sénat ait laissé passer la chance d’améliorer le texte», a commenté le président LR du Sénat, Gérard Larcher, devant l’Association des journalistes parlementaires. «Là, quelque part, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot.» Les députés devraient en effet revenir à la version précédente du texte.

Le destin de l’article 1er du texte s’est scellé mardi. Dans la journée, les sénateurs avaient exclu les femmes célibataires de l’ouverture de la PMA. Un peu plus tard, le vote d’un amendement autorisant la PMA post-mortem, dans la confusion, a été contesté. Ces deux modifications ont conduit au rejet de l’intégralité de l’article 1er, comme le symbole d’une conciliation impossible. En fin d’examen, une délibération et un nouveau vote devaient avoir lieu sur cet article mais la commission de bioéthique y a renoncé en raison de désaccords.

«Mépris pour l’égalité»

La gauche et des sénateurs proches de LREM ont dénoncé un texte «complètement dénaturé». «C’était le chaos hier dans l’hémicycle et c’est le naufrage en fin de discussion, a regretté le rapporteur Bernard Jomier (PS). Ce texte, c’est le résultat d’un gâchis». Jeudi, Bruno Retailleau, chef de file du groupe LR au Sénat, a rétorqué dans un communiqué qu’il était «paradoxal de la part de la gauche de regretter la suppression d’un article qu’elle a refusé de voter!»

Au fil du débat, plusieurs élus de droite ont déploré l’absence de recherche de consensus de la part du gouvernement et de la majorité. «Ce vote envoie le message au gouvernement que sa position n’est pas forcément partagée par tous. Les états généraux de la bioéthique ont révélé que la société n’est pas unanime sur cette évolution», pointe Muriel Jourda (LR), corapporteuse de la loi. Comme d’autres sénateurs de tous bords, elle estime aussi que «le vice originel» était de mêler le sujet sociétal de la PMA à un texte de bioéthique.

Au banc du gouvernement, Adrien Taquet s’est interrogé sur «des ambitions électorales qui avancent masquées». En fin de lecture, malgré ses «regrets» sur l’issue du texte, il a cependant salué «la qualité de ces débats». Du côté des associations, SOS-homophobie a fustigé un «pas en arrière inacceptable» et un «vrai mépris pour l’égalité». La Manif pour tous a estimé à l’inverse qu’il s’agissait d’un «coup d’arrêt pour la PMA sans père et la GPA».

GPA, embryons chimériques, IMG: ce qui a changé

Comme en première lecture, le projet de loi a été amputé de plusieurs mesures phares et largement remanié. Les sénateurs se sont opposés à la possibilité pour les femmes d’une autoconservation de leurs ovocytes sans raison médicale. Ils préconisent de demander l’accord du donneur pour que les enfants nés d’un don puissent avoir accès à leurs origines. Sur le sujet sensible de la filiation, ils ont à nouveau opté pour un système d’«adoption accélérée» de l’enfant par la conjointe de la femme qui accouche. Pour éviter d’affaiblir l’interdiction de la GPA (gestation pour autrui), ils ont voté la prohibition de «toute transcription complète» d’un acte de naissance étranger d’un enfant né de mère porteuse. Ils ont interdit la création d’embryons chimériques ainsi que la modification du génome des embryons humains. Enfin, ils ont supprimé la prise en compte de la «détresse psychosociale» pour accéder à une interruption médicale de grossesse (IMG).

Source : Agnès Leclair, Le Figaro du 4 février 2021.

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