Chimères: où en est la science?

Catégorie : De la matière grise

« Premiers embryons « chimères » homme-singe : entre réalité, fantasmes et enjeux éthiques » est un article du Professeur Jean-François Bodart, paru dans le magazine en ligne The Conversation le 24 mai 2021.

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Une nouvelle étape de la biologie vient d’être franchie en avril 2021 par une équipe sino-américaine avec la création d’embryons composés de cellules humaines et de cellules de singe, cultivés in vitro pendant 19 jours, hors de tout organisme maternel. Ces embryons sont appelés « chimères » en référence à l’animal mythologique où s’entremêlaient corps de lion, de chèvre et de serpent. Ces nouveaux résultats expérimentaux de chimères mêlant des cellules humaines soulèvent des perspectives autant qu’elles suscitent des questions éthiques.

Les chimères ne sont pas que des animaux mythologiques. Peu fréquentes, elles existent dans la nature. Une chimère se définit comme un embryon ou un organisme où coexistent au moins deux populations cellulaires porteuses d’ADN différents. Par exemple, la fusion des placentas des fratries de jumeaux des singes ouistitis permettrait très fréquemment la dissémination de cellules d’un individu dans un autre : un individu peut donc être porteur de cellules avec son propre patrimoine génétique et de cellules porteuses du patrimoine génétique de son frère ou de sa sœur.

Ces chimères peuvent ainsi porter des cellules sanguines ou des cellules sexuelles avec des ADN différents. Chez l’homme, deux types de microchimérisme ont été décrits, fœtal et maternel, qui résultent du transfert d’un très petit nombre de cellules de l’organisme fœtal vers la mère, et inversement. Ces coopérations de cellules avec des patrimoines génétiques différents interrogent la question du soi et non-soi.

Ces phénomènes biologiques ont été exploités pour étudier le comportement des cellules. En biologie du développement, la création de chimères regroupe un ensemble de technologies utilisées depuis plus d’un siècle : une des deux populations est introduite artificiellement par greffe ou lors du développement embryonnaire.

Les perspectives ouvertes par la poursuite des chimères

La réalisation d’embryons chimères prit un nouvel essor avec la compréhension de la reprogrammation cellulaire et l’induction de cellules souches pluripotentes.

Les cellules embryonnaires perdent progressivement leurs potentialités totales de différenciation pour s’engager dans une spécialisation ou une fonction. Les cellules adultes, spécialisées, perdent ainsi leur adaptabilité.

Néanmoins, lorsque des cellules adultes subissent la reprogrammation mise au point par Shinya Yamanaka (prix Nobel de Médecine 2012), elles reviennent à un état de cellule indifférenciée, capables de se spécialiser en n’importe quel type cellulaire (cerveau, foie, muscle, poumon, etc.). Ces cellules sont alors appelées « cellules souches pluripotentes induites ». Elles ont favorisé la création de chimères animales : souris avec pancréas issus de cellules de rat, ou embryons de porcs ayant intégré des cellules humaines.

Les chimères animales et les perspectives offertes par les cellules souches pluripotentes induites se sont placées au cœur de plusieurs axes de recherche. D’un point de vue fondamental, les recherches sur les embryons chimères et les cellules souches pluripotentes induites permettent de mieux comprendre les étapes précoces du développement humain, voire d’aider à mieux comprendre les cas d’infertilité où les avortements se produisent à des stades très précoces. Chez une chimère, le destin des cellules d’une espèce est suivi par une modification de leur génome et l’intégration d’un marqueur fluorescent. Ce marqueur permet de « tracer » visuellement les cellules et leur progéniture.

Les avancées médicales espérées grâce à ces modèles incluent les tests pharmacologiques de toxicité ou d’efficacité de molécules pharmacologiques, la production d’organes humains chez l’animal, le développement de modèles d’études de pathologies humaines et l’étude du développement des cellules souches.

La chimère homme-singe : le franchissement d’une étape

En janvier 2021, une équipe française publiait une étude de la colonisation d’embryons de lapin ou de singe (cynomolgus) par des cellules de primates. Ainsi, des embryons très précoces de singes cynomolgus, où les embryons ne forment que des petites masses rondes de cellules (morula), ont été injectés avec des cellules pluripotentes humaines, ou de singes rhésus.

La capacité à gérer des chimères de ces lignées cellulaires s’est avérée très pauvre : seule une très faible proportion des cellules injectées a survécu après 3 jours de culture. Ces observations suggèrent que les cellules humaines ou de singe macaque rhésus utilisées sont très sensibles aux modifications de leur environnement, qui conditionne leurs capacités à se multiplier et survivre et souligne la difficulté de réaliser des chimères humaines-non humaines.

Une étape supplémentaire a donc été franchie ce printemps par l’équipe sino-américaine du biochimiste Izpisua Belmonte : des embryons composés de cellules humaines et de cellules non humaines ont été créés et cultivés pendant 19 jours. D’une part, les cellules ont été injectées six jours après la fécondation et avaient été sélectionnées sur leur capacité à générer des chimères interespèces robustes. D’autre part, la culture ex vivo sur une aussi longue période permet d’observer les étapes précoces du développement embryonnaire telles que la différenciation de la masse cellulaire initiale en différents tissus cellulaires.

La contribution des cellules humaines dans les chimères homme-singe a été modeste mais significative dans les principaux tissus embryonnaires : cette contribution se situe entre 5 % à 7 % dans les deux couches cellulaires qui constituent l’embryon à ce stade. Chaque embryon a montré une combinaison unique de cellules humaines et cellules de singes, ainsi qu’une viabilité variable : sur 132 embryons injectés, seuls 3 embryons étaient vivants, après 19 jours de culture. L’objectif est désormais d’arriver à comprendre comment les cellules d’espèces différentes dialoguent et coopèrent entre elles pour former un unique embryon.

Techniquement, il aurait été possible d’implanter ces embryons chez des femelles de singe, mais cette ligne rouge n’a volontairement pas été franchie.

Une recherche « consciente »

Les recherches dans le domaine de la création des chimères sont conscientes des frontières qu’elles repoussent et des avis mitigés qu’elles suscitent. Elles se réalisent dans un cadre juridique respecté, mais ne sont pas exemptes de questionnements, autant adressés aux chercheurs qu’à la société.

D’un point de vue éthique, l’utilisation de chimères humaines-non humaines pourrait constituer une alternative robuste à l’utilisation de cobayes humains ou d’embryons humains surnuméraires. Dans un contexte de pénurie d’organes disponibles pour des transplantations, l’emploi de chimères permet d’envisager, en médecine régénérative, la production d’organes humains pour des greffes ultérieures.

Ces recherches comportent également des risques. Le Conseil d’État en pointait trois principaux en 2018 : risque de zoonose (transmission de maladies de l’animal à l’homme), risque de représentation humaine chez l’animal et risque de conscience. Les bornes à ne pas franchir pourraient se traduire par l’interdiction des cellules humaines à contribuer à la formation du cerveau, des cellules sexuelles et de l’apparence de l’animal. Ces lignes rouges ne seront respectées que si l’on est en mesure de contrôler quelles cellules se développent dans quels tissus et de contrôler tout échappement vers le cerveau ou les cellules sexuelles. Pour l’heure, ces étapes clefs ne sont pas maîtrisées.

Le cerveau fait l’objet de nombreuses attentions dans les débats, considéré comme le siège des capacités humaines mentales, telles que la conscience, conscience de soi, la rationalité et les capacités morales. Le développement des capacités mentales chez les chimères humaines-non humaines interroge : jusqu’à quel point se développeraient la conscience et les capacités cognitives dans des chimères où de cellules humaines auraient migré et contribué à l’élaboration du système nerveux central ? Comment mesurer ces capacités ? Ne sera-t-il pas souhaitable dans certains cas spécifiques comme dans le développement de modèles de maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer, de franchir la ligne rouge et que des cellules humaines participent à la formation d’un cerveau ?

La coopération de cellules humaines et non humaines pour former un embryon soulève donc la question du statut et de l’identité de la chimère résultante : quels seront les droits de cette chimère ? Il semble d’ailleurs préférable d’utiliser le terme « chimère humaine-non humaine », plutôt que le terme de « chimère homme-animal ». Cette détermination engage à ne pas minimiser le statut moral des animaux non humains, ou de se placer dans une stricte perspective de l’instrumentalisation animale.

Les questions éthiques peuvent sembler théoriques mais ce domaine dynamique, où les connaissances évoluent rapidement, nous demande de nous pencher sur ces interrogations de manière urgente. Il est sans doute nécessaire de rendre le public sensible aux réalités expérimentales, loin des fantasmes de monstruosités.

Une recherche strictement encadrée

Au niveau législatif, la Chine avait été le seul pays autorisant la création de chimères humaine-non humaine dès les années 1980. Plusieurs pays incluant les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon ont posé des limites, voire des moratoires, aux recherches sur les chimères impliquant des cellules humaines. En 2019, le Japon a levé son interdiction d’expérimenter avec des embryons animaux contenant des cellules humaines tandis que l’interdiction de financement des études dans lesquelles des cellules humaines seraient injectées dans des embryons d’animaux est toujours en vigueur aux États-Unis.

En France, l’article L.2151-2 du Code de la santé interdit la création de chimères humaines. Le 31 juillet 2020, l’Assemblée nationale a voté favorablement l’article 17 du projet de loi relatif à la bioéthique, qui autorise l’ajout de cellules souches pluripotentes humaines à des embryons non humains. Après une opposition forte du sénat, un rejet le 3 février 2021 et l’échec d’un compromis, le texte de loi sera à nouveau devant l’Assemblée nationale pour une troisième lecture en juin 2021.

Jean-François Bodart, Professeur des Universités, en Biologie Cellulaire et Biologie du Développement, Université de Lille.

Cet article a été écrit avec les contributions de Anne-Camille Le Halpere, Louise Leblanc, Amandine Lourdel, Romane Ringard, Célia Tanguy, Célien Vandromme, étudiants du module d’introduction à la bioéthique, de la licence de biologie cellulaire et physiologie de l’Université de Lille.

Embryons chimériques homme-singe

Chimère: 1- Animal fabuleux dans la mythologie grecque ayant la tête et le poitrail d’un loin, le ventre d’une chèvre et la queue d’un serpent. 2- Être ou objet bizarre composé de parties disparates, formant un ensemble sans unité. 3- Projet séduisant, mais irréalisable ; idée vaine qui n’est que le produit de l’imagination ; illusion : Poursuivre des chimères. En biologie, une chimère désigne un organisme constitué de deux ou, plus rarement, de plusieurs variétés de cellules ayant des origines génétiques différentes.

Qu’est-ce qu’une chimère? Ce sont les transhumanistes qui en parlent le mieux. Ils vous illustreront ce que réalisent déjà certains laboratoires et que porte en son sein le projet de loi bioéthique.

« Non, la loi bioéthique n’est pas pliée d’avance »

« Non, la loi bioéthique n’est pas pliée d’avance », Le Figaro, 04/10/2019

FRANCE-HERITAGE-HISTORY-RELIGION-NOTRE-DAME

Certains pourront s’étonner qu’un évêque prenne la parole sur des sujets politiques. Est-ce vraiment son rôle? Un évêque de l’Église catholique se doit d’annoncer l’Évangile, de permettre à chacun de rencontrer Dieu et de proposer à tous d’entrer dans la Vie éternelle que le Christ a ouverte par sa résurrection.

Justement, par son incarnation, le Christ, le Fils de Dieu, est venu transfigurer notre vision de l’homme en lui conférant une dignité indépassable et ceci quelle que soit son origine ethnique, sa situation sociale, son sexe, sa culture ou son âge. Saint Paul l’explique très bien quand il écrit aux chrétiens de Galatie: «Il n’y a plus ni juifs ni païens, ni esclaves ni hommes libres, ni l’homme ni la femme, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus» (Galates 3, 28). Cette unité de l’humanité qui doit réaliser une fraternité universelle est un travail essentiel de l’Église. Voilà pourquoi les évêques s’autorisent à prendre la parole sur des sujets de société qui touchent à la dignité humaine quand celle-ci est gravement attaquée.

Le projet de loi bioéthique en discussion touche aux fondements les plus essentiels sur lesquels sont bâties nos sociétés humaines: la filiation, la non-marchandisation du corps humain, le respect de toute vie de sa conception jusqu’à sa mort naturelle, l’intérêt supérieur de l’enfant, une médecine philanthropique et non marchande, une écologie humaine où le corps n’est pas un instrument mais le lieu de l’édification de la personnalité.

Le président de la République souhaitait un débat apaisé et consensuel. Il y eut des états généraux, de nombreuses consultations par le Conseil d’État, l’avis du Comité consultatif national d’éthique, de nombreuses interventions d’experts. Qu’est-il sorti de tout cela? Au final, très peu de choses. Les participants aux états généraux, après avoir approfondi la question, se sont clairement déterminés contre l’extension de la PMA hors du champ proprement médical sans que cela n’ait eu le moindre effet sur les rédacteurs du projet de loi. Nous avons été largement consultés et, il faut le dire, écoutés avec courtoisie. Écoutés mais pas entendus. Les seules réponses que nous avons obtenues de Mme la ministre de la Santé aux arguments présentés et fondés en raison sont des arguments d’autorité.

Le Comité d’éthique avait pourtant révélé les faiblesses méthodologiques des études portant sur les enfants élevés par les mères célibataires ou des couples de femmes. Beaucoup d’experts pédopsychiatres confirment que ces études, la plupart anglo-saxonnes, commettent toutes des fautes quant à la rigueur scientifique de la méthode. Là encore, aucune réponse.

Les questions graves soulevées par des philosophes non suspects d’idéologie et se rapportant à la filiation, en particulier la privation pour l’enfant d’une filiation bilatérale sans recours possible, ont aussi reçu une fin de non-recevoir. L’Académie de médecine qui vient de se prononcer avec des arguments scientifiques très sérieux a été balayée d’un revers de main par la ministre de la Santé qui, sans honte, les a qualifiés de «datés» et de «peut-être idéologiques» sans apporter le moindre argument rationnel. De même pour la Convention internationale des droits de l’enfant signée par notre pays dont Mme Buzyn a dit pourtant qu’elle n’obligeait pas la France.

Cette attitude dédaigneuse, voire arrogante, est caractéristique de ce que l’on observe depuis le début de cette consultation. Une écoute en apparence bienveillante, mais une inflexibilité qui, elle, traduit une attitude idéologique tristement dépourvue de fondements anthropologiques réalistes. Pourtant, personne n’est maître de la vie, même pas de ses propres enfants. On transmet la vie, elle ne nous appartient pas. Mon enfant vient de moi, mais il n’est pas «mon bien». Je ne peux pas revendiquer un droit à l’enfant comme un droit au logement.

Un enfant est toujours un don qu’il faut accueillir sans en faire un produit manufacturé dû à la technologie de l’homme et soumis au pouvoir de l’argent. Il faut apprendre à être fils, c’est-à-dire à comprendre que notre vie ne vient pas de nous-mêmes, que nous la recevons, que nous devons apprendre à l’habiter. À cette condition nous pouvons être de vrais parents assez humbles pour transmettre la vie et faire advenir une personne qui se saisisse de sa propre liberté. Il n’est pas possible d’instrumentaliser un enfant au prétexte de combler un désir individuel. Si la frustration entraîne une souffrance qu’il faut savoir accompagner, elle ne peut justifier en aucun cas une revendication parentale.

Les autres points du projet de loi sont aussi dramatiquement ordonnés au mépris de toute vie humaine. Les embryons humains sont une fois encore et de plus en plus traités comme un matériau utilisable. Les cellules embryonnaires posent la question éthique de la destruction de l’embryon humain. La possibilité de fabriquer des embryons OGM par modification génétique est une dangereuse dérive. En outre, les expérimentations qui permettraient la création d’embryons animaux dans lesquels seraient intégrées des cellules embryonnaires humaines sont une véritable monstruosité qui n’effraie plus personne et qui montre une anesthésie abyssale de la conscience.

Je salue le courage de ceux qui résistent aux fausses évidences d’un apparent progressisme qui constitue une profonde régression de notre humanité. Non, la loi n’est pas pliée d’avance. Une parole qui s’appuie sur la vérité de notre condition humaine ne s’arrête pas à l’immédiateté de son effet. Elle s’inscrit dans l’avenir, quand la conscience commune saura en évaluer les plus effrayantes conséquences qui sont du même ordre que celles que l’écologie met à jour aujourd’hui. Il y a un lien intime entre le délire technologique qui conduit à détruire notre planète au nom du progrès et la folie des techniciens du désir qui bouleverse l’anthropologie et la nature profonde de notre humanité.

Il ne m’appartient pas d’emporter l’adhésion de tous. Il m’appartient certainement de le dire.

Mgr Michel Aupetit

Jean-Pierre Winter, psychanalyste

« La fonction symbolique du père est irremplaçable », Le Figaro, 27/09/2019

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Pour le psychanalyste Jean-Pierre Winter, les partisans de la «PMA pour toutes» nient l’importance du père dans le développement de l’enfant et nient la réalité biologique de la différence des sexes. Jean-Pierre Winter est psychanalyste. Il a notamment écrit L’avenir du père(Albin Michel, 2019).

Figarovox – Partagez-vous les inquiétudes de l’Académie nationale de médecine, qui craint que l’extension de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes ne génère des «risques pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant»?

Jean-Pierre WINTER – Cette question renferme deux questions différentes: celle des femmes seules et celle des couples de femmes. Je partage d’autant plus l’avis de l’Académie nationale de médecine que j’y avais été auditionné et j’y avais fait part de mes questionnements.

Dans le cas de deux couples de femmes, on nous explique que la deuxième maman fait office de tiers entre la mère qui a accouché et l’enfant. La première se substitue ainsi à ce qui est absolument nécessaire c’est-à-dire un tiers qui, jusqu’à présent, était généralement un père. Dans le cas des femmes seules, d’un seul coup la nécessité d’un tiers disparaît.

Dans un cas on nous explique que le tiers est nécessaire (c’est le cas de la deuxième mère), dans l’autre la question disparaît: la femme se retrouve seule avec l’enfant. Nous sommes donc en droit de nous demander – à partir de l’expérience – s’il est souhaitable pour un enfant de se retrouver confronté à une situation psychanalytiquement complexe dans laquelle la mère pourrait «jouir» comme elle veut de l’enfant, de son corps et de son psychisme, et l’enfant pourrait se laisser aller sans entrave, sans contrainte de renonciation à la jouissance de sa mère.

Camus disait: «un homme ça se retient», il en va de même pour un enfant. L’enfant passe par différentes étapes de renonciation pour grandir. Il renonce à certains plaisirs, il renonce à une toute-puissance, à des jouissances qui sont globalement considérées comme antisociales, … Et c’est justement ce tiers qui jusqu’à présent était le père qui l’aide à y renoncer.Il arrive que l’on entende que certaines figures peuvent tenir lieu de père, notamment des figures masculines. Le problème ici tient à la confusion savamment entretenue entre le paternel et le masculin. Ce n’est parce qu’un homme est un homme qu’il peut remplir la fonction paternelle auprès d’un enfant. Cette fonction ne peut être remplie que si la mère de l’enfant l’a choisi comme père pour cet enfant ou comme tiers pour cet enfant. Il faut qu’il soit dûment nommé comme tel.

Un parrain n’est pas un père. Un parrain est celui qui prendra éventuellement en charge l’éducation de l’enfant si ses parents disparaissent. Pour que cette responsabilité lui incombe, il faut qu’il soit mort. Or, dans le cas que nous traitons, le père n’a pas l’occasion d’être mort puisqu’il est effacé avant même d’avoir été désigné. Je ne me prétends pas prophète. Ce qui adviendra de ces enfants, je ne peux que le déduire par analyse par rapport aux enfants sans père que j’ai pu rencontrer. Mais la grande différence entre les enfants sans père que j’ai connus et ceux qui naîtront à la suite de la nouvelle loi, c’est qu’ils étaient sans père par accident et non du fait de la loi. Or, désormais la loi efface le père. Que sont ces lois fabriquées qui font disparaître les pères? Quelle haine du père supposent-elles pour que l’on organise sa disparition de façon légale? Nous n’avons jamais vu une telle chose dans l’histoire. L’ambivalence avec le père a toujours existé dans l’histoire de l’humanité: il est à la fois un protecteur, un représentant de l’inconnu, de l’extérieur, pour certains un représentant de l’autorité (ce qui n’est par ailleurs pas absolument nécessaire). Il était surtout, pour l’enfant, un empêcheur de jouir de tous les désirs: il imposait – non par autorité mais par sa seule présence – de devoir renoncer à certains désirs.

  • Mais le tiers existe dans le couple de femmes…

Dans les termes – contrairement à ce qui a été défendu dans la Commission et à l’Assemblée nationale – le tiers existe mais non dans l’altérité. Pour être un tiers, il faut être dans l’altérité. Les deux seront des «mamans». Quand il y a un «père» et une «mère», on entend l’altérité. Un père n’est pas une mère. Il sera désormais inscrit dans la loi l’effacement de l’altérité. Les enfants ne sont pas des imbéciles et certains s’en sortiront très bien. Comme dirait Boris Cyrulnik – qui exagère peut-être un peu – certains trouveront des tuteurs d’éducation, des résiliences. Mais pour un Cyrulnik qui a été résilient pendant la guerre, combien sont morts soit psychiquement soit névrotiquement? Pour une Simone Veil, un Boris Cyrulnik, combien sont sortis de la guerre dans un état pitoyable? On ne peut s’appuyer sur 1 ou 2% d’enfants résilients (qui existent) pour généraliser. Tous les enfants ne parviendront pas forcément à trouver un tuteur pour leur vie.

Les psychanalystes sont souvent accusés de ne pas avoir parlé au moment des projets d’adoption par les couples homosexuels. Mais nous avons bataillé pour que l’on dise la vérité aux enfants sur les conditions de l’adoption. Nous avons alerté les pouvoirs publics très tôt sur les conséquences d’une chose simple: la question de la ressemblance. Tous les enfants recevront ce message qui leur dira qu’un père n’est pas nécessaire. La plupart – peut-être pas tous, ou du moins pas tout de suite – des enfants élevés dans les couples de lesbiennes se demanderont à qui ils ressemblent. Dans les banques de sperme (ce n’est pas un hasard si l’on appelle cela une «banque» car il y a tout un marché derrière), on pratiquera (le mot fera hurler) une forme d’eugénisme pour assurer une ressemblance.C’est une forme de triche. La question de la ressemblance pour les enfants adoptés – et je le fonde sur les expériences que j’ai eues – ne consiste pas à savoir qui est le «vrai père», ou même qui est la «vraie mère». La question est plutôt de savoir à qui l’on ressemble. Avec cette nouvelle loi, il sera très difficile à beaucoup d’enfants et notamment d’adolescents qui se poseront la question de remonter leur généalogie du côté paternel. Je considère cela comme une amputation. Sans être un prophète de malheur, on peut penser que toute amputation a des conséquences.

  • La disparition du père dans certaines familles pourrait-elle avoir des conséquences pour la société dans son ensemble?

Oui. Je l’ai exprimé dans mon dernier livre sur l’avenir du père. Je pense que chacun se débrouille comme il peut avec son hérédité, ses impasses, etc. Tout le monde le fait. Le problème ici est que la loi organise cela. J’ai commencé à me poser la question à partir du moment où l’on m’a interrogé dessus et où j’ai été contraint d’y réfléchir de près. Je me suis aperçu que cette loi concerne tout le monde. Quel sera le message transmis, même à l’insu du législateur, par cette nouvelle loi? Le père ne sert à rien et nous pouvons nous en passer. Que ce soit sous la forme d’un remplacement du couple homme-femme par deux femmes ou bien sous la forme d’une femme seule qui peut avoir un enfant. Tout le monde se retrouve finalement concerné. Dans les décennies à venir, les adolescents pourront rétorquer à leur père qu’il est de toute façon, superflu. Tous les enfants recevront ce message qui leur dira qu’un père n’est pas nécessaire.

  • Disposons-nous d’enquêtes ou d’études précises là-dessus? Comment la psychiatrie peut-elle nous aider à y voir plus clair, dans un débat où les postures idéologiques semblent triompher?

Les défenseurs de la PMA pour toutes et pour les femmes seules – et donc à brève échéance de la GPA – n’ont qu’un argument à la bouche: l’égalité. Ils utilisent des études qui expliquent que les enfants élevés dans ces conditions ne vont pas plus mal que les autres. Comme le dit l’Académie nationale de médecine et comme l’avait reconnu une partie des membres du Conseil national d’éthique, ces études sont biaisées. Elles sont comparables à celles qui chercheraient à prouver la non-nocivité du tabac tout en étant payées par Marlboro… Elles sont très peu scientifiques. Nous n’avons pas d’études psychiatriques scientifiques comparatives qui nous permettent d’apprécier les choses. De toute façon, du point de vue de la psychanalyse, ces études ne prouvent rien. Les effets de ce qui se déroule aujourd’hui prendront plusieurs générations à se manifester.

Un enfant – quelles que soient les conditions dans lesquelles on l’élève pourvu qu’elles ne soient pas concentrationnaires – s’adapte parce qu’il ne veut pas perdre l’amour de ses parents ou de ceux qui s’occupent de lui. Aimer un enfant est souhaitable, bien l’éduquer est encore mieux. Mais pour grandir, ces deux conditions ne suffisent pas. Il est nécessaire d’avoir une armature généalogique. Pierre Legendre disait: «l’homme est un animal généalogique». Nous devons savoir d’où nous venons pour savoir où nous allons. Des parents peuvent aimer leurs enfants, leur donner une bonne éducation et les voir devenir délinquants sans comprendre pourquoi. Contrairement à ce que l’on imagine, l’essentiel n’est peut-être pas l’amour et l’éducation. C’est important mais ce n’est pas forcément par cela que tout passe. La vie est faite de malentendus accrochés à des défauts de transmissions, à des défauts d’histoires qui manquent, à des morceaux d’histoire mal racontés, mal ficelés, à des disparitions qui ne sont pas explicites, à des événements qui ont eu lieu dans des générations anciennes… Nous pouvons bien imaginer qu’on ne connaîtra les effets de ce que nous mettons en place que dans plusieurs générations, quand les enfants des enfants de ceux qui naissent aujourd’hui auront à faire face à ce que leurs parents auront mis en œuvre.

  • La GPA implique aussi une disparition de la mère…

Tout à fait. Je n’en parle pas parce qu’on nous dit qu’il n’en est pas question. Mais ce que je dis concerne aussi bien les pères que les mères. Cela concerne finalement une tentative d’abolition de la différence des sexes. On essaie parfois de faire passer une mère pour un père et un père pour une mère. La confusion réside essentiellement dans la confusion entre l’égalité et l’identité. Je vise cette égalité en tant que militant pour l’égalité des salaires à poste égal. Mais l’égalité ne fait pas l’identité: un tel combat ne nous dit pas que les femmes sont des hommes. Certains militants dans de la cause LGBT souhaitent que l’on enlève de la carte d’identité, les mentions d’homme ou de femme. Dans certains pays, on peut aussi choisir son sexe. Ce sont des tentatives qui, progressivement, visent à annuler le fait que la différence des sexes est une différence aussi essentielle que la différence des générations et la différence entre la vie et la mort.

Il existe trois différences fondamentales parce qu’elles sont incontestables: la différence entre la vie et la mort, la différence des générations, la différence des sexes. Jean-Louis Touraine dit que la différence entre homme et femme est une construction sociale: cela relève du délire. On dénie le réel. Il y a une part culturelle évidente dans les rôles que jouent socialement les hommes et les femmes. Il suffit de voyager pour voir que tous les hommes et toutes les femmes ne sont pas identiques. Mais il en va de même pour la mort qui porte aussi une forte dimension culturelle. Elle n’est pas traitée de la même manière en Inde et en Occident par exemple. Et personne n’en déduit pour autant que la mort est une affaire culturelle. Il s’agit d’un vice de raisonnement et d’une rhétorique absurde qui nous fait beaucoup de tort.

Propos recueillis par Paul Sugy et Louise Darbon

La PMA pour toutes: un processus policier de la filiation

Loi «PMA pour toutes», les mesures à l’origine de la colère du corps médical, Slate, 25/07/2019

CECOS

Le volet «De la filiation par déclaration anticipée de volonté» est vivement remis en cause par les membres des centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS). Le projet de loi sur la bioéthique a été présenté mercredi 24 juillet en conseil des ministres. Le chapitre sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes sera, parmi d’autres volets, discuté.

Les médecins, pharmaciens, psychologues et spécialistes des métiers de la santé des centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) –qui mettent en œuvre le don de gamètes et l’accueil d’embryons en France métropolitaine et départements d’Outre-Mer– ont souhaité exprimer leur «opposition à toute proposition de loi» qui les «rendrait complices d’une discrimination et d’une stigmatisation des enfants conçus par don au travers de l’inscription sur l’acte de naissance intégral du mode de conception».

Considérant que ce projet de loi les rendrait «complices de discrimination» et de «stigmatisation» des enfants conçus à partir d’un don de cellules sexuelles, ces spécialistes annoncent avoir saisi le Conseil national de l’ordre des médecins. Emmanuel Macron, interrogé en septembre 2018 sur les difficultés politiques de la révision de la loi de bioéthique de juillet 2011, avait parié sur un «débat apaisé». Rien n’est si sûr…

Les raisons de la colère

En marge des controverses sur la PMA pour toutes, plusieurs dispositions du projet de loi sur la bioéthique, qui sera débattu en septembre à l’Assemblée nationale, cristallisent aujourd’hui les oppositions des spécialistes de la PMA exerçant au sein des vingt-neuf CECOS –tous directement concernés par le sujet, puisqu’ils constituent un réseau national unique au monde dans ce domaine avec tiers donneur et préservation de la fertilité.

«Nous savons de longue date que cette révision de la loi aurait des conséquences sur nos pratiques et nous menons des réflexions quant aux différents scénarios qui peuvent être envisagés», explique la professeure Nathalie Rives, présidente de la Fédération française des CECOS. «Nous avions notamment fait part de nos réflexions dans le cadre des États généraux de la bioéthique. Mais à la lecture de l’avant-projet de loi nous découvrons une disposition qui nous apparaît totalement inacceptable.»

Leurs contestations ne portent pas sur l’accès de la pratique de l’insémination artificielle avec le sperme de donateur aux couples de femmes et aux femmes seules (et de ses possibles conséquences pratiques), ni sur la congélation et la conservation des ovocytes hors indication médicale ou de l’utilisation par le ou la conjointe vivant des cellules sexuelles conservées par l’un des membres du couple ou des embryons après le décès de l’un d’entre eux –autant de thèmes sur lesquels les responsables des CECOS ont formulé des observations et des propositions.

Ce qui pose problème, ce sont les articles du projet de loi réunis sous le titre «De la filiation par déclaration anticipée de volonté». Ces dispositions sont la conséquence directe de la PMA pour toutes sur le droit de la filiation et ce dans un contexte général de volonté de «transparence» et de refus de «discrimination» associés à un «droit à connaître ses origines». Aujourd’hui, dans le cadre d’une PMA médicale pratiquée au sein couple hétérosexuel souffrant de stérilité, le Code civil fait comme s’il n’y avait pas eu de recours à cette technique.

Levée de l’anonymat, PMA: vers une pénurie de sperme gratuit?

Dans le cas d’un couple marié, la notion de présomption de paternité prévaut. Ainsi l’article 312 du code civil dispose: «L’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari.» En dehors du mariage, l’homme doit reconnaître l’enfant pour être reconnu comme son père, qu’il y ait recours ou non à une PMA. Pour les couples de femmes françaises, qui avaient jusqu’ici recours à une PMA à l’étranger, la situation était évidemment plus complexe: celle qui accouchait était légalement considérée comme la mère tandis que sa compagne devait, si elle le souhaitait, engager une procédure d’adoption.

Sur ce sujet, le texte adressé au Conseil d’État avance deux scénarios. Le premier prévoit une mention à l’état civil de la manière dont la filiation de l’enfant a été établie pour tous les couples ayant recours à une procréation médicalement assistée avec tiers donneur. L’objectif est d’établir une «déclaration commune anticipée de filiation» devant un notaire. Le document serait ensuite transmis à l’officier d’état civil et mentionné sur la copie intégrale de l’acte de naissance; et ce qu’il s’agisse d’enfants nés au sein de couples homosexuels ou hétérosexuels. Le second scénario prévoit que ce dispositif ne concernerait que les couples de femmes, afin de laisser la possibilité ultérieure aux couples hétérosexuels de dévoiler (ou non) son mode de conception à l’enfant.

Une option discriminante?

Le Conseil d’État s’était déjà penché sur les différentes options de filiation dans le cas d’un recours à la PMA. Le 28 juin 2018, son assemblée générale a validé une étude intitulée «Révision de la loi de bioéthique: quelles options pour demain?». Dans celle-ci, au terme d’une longue analyse, le Conseil opte pour l’option de la création «d’un mode d’établissement de la filiation ad hoc pour les seuls couples de femmes». «Cette solution, qui fait coexister deux modes d’établissement de la filiation distincts, traduit deux philosophies différentes selon que le couple ayant recours au don est de même sexe ou non, la première reposant sur le rôle accru de la volonté, la seconde sur le mimétisme avec la procréation charnelle.» Considérant que cette alternative «préserve un traitement égal des couples hétérosexuels, qu’ils aient recours au don ou non», le Conseil d’État estime qu’elle «permet d’éviter d’opérer une distinction selon les causes médicales de leur infertilité». L’institution avance également l’argument selon lequel, cette solution «ménage la possibilité de préserver le secret sur le mode de conception d’un enfant issu d’un don au sein d’un couple hétérosexuel, dès lors qu’il est vraisemblable, conformément au droit au respect de la vie privée des parents».

Derrière les réserves autour de la PMA pour toutes, il y a aussi de vraies bonnes questions

Autre argument jouant en faveur de cette option: «À l’égard des couples de femmes, cette option permet un établissement simple et simultané des deux filiations maternelles de l’enfant à la naissance de ce dernier qui apparaît sécurisé par l’exigence d’un projet parental antérieur à l’AMP revêtant la forme d’un acte authentique.» C’est pour l’ensemble de ces raisons que le Conseil d’État privilégie cette solution, qui est vivement contestée par celles et ceux qui estiment que la traduction de deux philosophies différentes établit une discrimination entre deux types de famille.

Le droit de savoir

Les opposants estiment que faire le choix d’un régime spécifique aux couples lesbiens, c’est faire l’impasse sur la possibilité offerte d’une levée du secret pour les enfants nés par PMA au sein des couples de sexe différent –qui auraient toujours (comme depuis près d’un demi-siècle et la création des premiers CECOS) la possibilité de ne pas informer leur enfant quant à son mode de conception. Les praticiens des CECOS expliquent travailler depuis de nombreuses années sur l’accompagnement des couples à informer l’enfant à propos de la façon dont il ou elle a été conçu, tout en respectant l’autonomie du couple à choisir le moment ou la manière pour le faire. «Nous insistons sur la nécessité de ne pas maintenir le secret sur le mode de conception», soulignent les spécialistes. «Mais le juridique ne doit pas se substituer au rôle éducatif des parents quant à la notion de secret du mode de conception. Et en toute hypothèse, la quête de la transparence sur le mode de conception est illusoire quel que soit le mode de conception.» Il faut aussi ajouter (si les dispositions sur la possibilité d’une levée de l’actuel secret sur l’identité du donneur de sperme étaient adoptées) qu’un bébé né d’une PMA au sein d’un couple de femmes pourrait, à sa majorité, avoir accès à ses origines, à la différence un enfant issu d’une PMA au sein d’un couple hétérosexuel.

C’est dans ce contexte d’incertitude que les membres des CECOS expriment leur opposition radicale à toute évolution de la législation qui, affirment-ils, les «rendrait complices d’une discrimination et d’une stigmatisation des enfants conçus par don au travers de l’inscription sur l’acte de naissance intégral du mode de conception». C’est pourquoi, ces spécialistes de la question viennent de saisir le Conseil national de l’ordre des médecins.

Non à la «police de la filiation»

La présidente de la Fédération française des CECOS rage contre les articles du projet de loi qui prévoient que «la PMA avec tiers donneur soit accompagnée de l’établissement du consentement devant le notaire et d’une déclaration de volonté de filiation». Et pourquoi cela pose-t-il problème? Car dans le parcours de soin, ces documents «devront obligatoirement être remis aux praticiens mettant en œuvre le don et conditionneront l’acceptation et la réalisation de la PMA avec tiers donneur».

Un processus non toléré par les membres de la Fédération: «Nous ne pouvons pas accepter d’exercer ce rôle de police de la filiation. Nous nous opposons également à toute proposition qui inciterait à la dénonciation du couple ou de la femme célibataire à l’origine de la conception de cet enfant qui n’auraient pas effectué cette déclaration à l’officier d’état civil.»

Pour Nathalie Rives, il s’agit d’une opposition essentielle, fondamentale, de nature éthique et démocratique. «Comment peut-on imaginer faire figurer, sans grands dangers, un mode spécifique de conception d’une personne sur les registres d’état civil», demande-t-elle. «Si le recours à un donneur de sperme est implicite pour les couples de femmes, il en va différemment pour les PMA réalisées pour les couples hétérosexuels – des PMA qui sont pratiquées pour des raisons médicales ayant à voir avec la stérilité, l’hypofertilité ou la transmission d’une pathologie génétique.» Par l’exercice de cette pratique, le couple «serait donc amené à transmettre indirectement à l’officier d’état civil des informations d’ordre médical le concernant. Et comment demander à des médecins et autres professionnels de santé de participer à cette opération?»

La «PMA pour toutes» ou les limites de l’exercice présidentiel

La présidente de la Fédération considère ainsi que les propositions envisagées dans la loi de bioéthique «portent atteinte aux grands principes fondateurs de notre République, et vont également à l’encontre du Code de déontologie médical, du serment d’Hippocrate et des principes d’exercice de la médecine que doivent respecter les médecins et tous les professionnels de santé en charge des soins». La prise de position des CECOS sur le sujet est claire. À l’unisson, l’équipe médicale pluridisciplinaire affirme refuser catégoriquement «d’être des acteurs de ce processus policier».

Jean-Yves Nau