Il était grand temps!

«Pourquoi Les Républicains s’opposeront à la PMA sans père», Le Figaro, 02/11/2018

LR

Laurent Wauquiez, Christian Jacob, Bruno Retailleau, Franck Proust et Jean Leonetti  (1) prennent position contre la PMA pour les femmes célibataires et les couples de femmes, que le gouvernement prévoit d’autoriser.

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Les questions dites sociétales soulèvent des enjeux éthiques lourds que les revendications légitimes pour l’égalité, le bonheur ou l’amour ne sauraient évacuer. Souvent sensibles dès lors qu’elles touchent à notre intimité, elles n’en sont pas moins des questions politiques exigeant de nous, non pas les seuls bons sentiments, mais «un cœur intelligent»: tout ce qui est scientifiquement possible est-il pour autant humainement souhaitable? Tous les désirs individuels doivent-ils être satisfaits par la technique? La marche du progrès signifie-t-elle la négation des limites? En résumé, de quelle société voulons-nous?

Gardons bien ces questions en tête lorsque est proposée l’instauration de la PMA sans père. Aussi bien intentionné soit-il, ce projet ouvre la voie à des dérives qu’il faut mesurer avec lucidité. N’y a-t-il pas de risque à nier ainsi délibérément le rôle et la représentation du père dans l’éducation de l’enfant?

De plus, dans la logique égalitariste à l’œuvre, ce nouveau droit constitue une étape vers les mères porteuses et la marchandisation du corps de la femme. Un engrenage est à l’œuvre: comment refuser demain aux couples d’hommes ce que l’on accorderait aux couples de femmes? Il y a cinq ans, l’actuel premier ministre s’engageait à «s’opposer résolument» à la PMA sans père. Sa résolution fut de courte durée. Il dirige aujourd’hui un gouvernement qui souhaite la mettre en œuvre, tout en se disant «très défavorable à la GPA». Qu’en sera-t-il dans cinq ans?

Enfin, face à la pénurie de dons de sperme, l’extension de la PMA nous expose, comme le souligne le Comité consultatif national d’éthique, à une marchandisation croissante des gamètes humains débouchant sur un véritable «business» de la procréation. Elle risque d’accompagner une dérive eugéniste dont témoigne le site Internet de Cryos, la plus grande banque de sperme du monde: ses clients y choisissent leurs gamètes selon une douzaine de critères dont la couleur de la peau ou des yeux ; le panier de commande – habituellement représenté par un Caddie – y est illustré par un landau.

Nous semblons entraînés par une injonction au mouvement perpétuel, par un dépassement incessant des frontières, par une extension infinie des droits oublieuse de nos devoirs. Le philosophe Jean-François Mattei relevait que «le tragique de l’existence occidentale tient à la dérive de sa mesure naturelle dans un déchaînement de démesure». Se développe aujourd’hui une idéologie, le transhumanisme, promouvant un «homme augmenté» et même «la résolution du problème de la mort». La médecine traitant les pathologies laisserait ainsi place à une technique toute-puissante au service de tous les désirs et de tous les fantasmes repoussant sans cesse plus loin les frontières de l’éthique.

Il ne s’agit évidemment pas de s’opposer au progrès scientifique, mais le rôle de la politique et du droit n’est pas de s’adapter, avec plus ou moins de «retard», à toutes les demandes de la société ; certaines doivent être freinées si elles sont dangereuses. Souvenons-nous de cette maxime de George Orwell: «Quand on me présente quelque chose comme un progrès, je me demande avant tout s’il nous rend plus humains ou moins humains.»

Alors que le principe de précaution est invoqué à tout propos, la plus élémentaire des prudences semble pourtant faire défaut à propos de la perpétuation des êtres humains. Une certaine écologie politique se soucie à raison de protéger la planète, l’alimentation, les océans, les végétaux, les animaux, mais pas l’enfant à naître. Faisant exception, José Bové a courageusement décrit l’extension de la PMA comme «la boîte de Pandore vers l’eugénisme et l’homme augmenté» ; preuve que cette question échappe aux clivages politiciens.

Nous avons collectivement pour tâche de redécouvrir le sens des limites en forgeant une écologie de l’enracinement, soucieuse de l’être humain. Si la liberté d’entreprendre et d’innover a fait notre prospérité, l’extension illimitée du domaine du marché n’est pas souhaitable: nous n’accepterons pas que l’être humain soit déraciné et marchandisé.

Il est illusoire de réduire le débat en un clivage simpliste et imaginaire: le nouveau monde contre l’ancien monde, les gentils progressistes contre les méchants réactionnaires. Ce n’est pas la meilleure manière d’aborder des questions à la fois si complexes et si essentielles. La courbe des sondages ne nous dictera pas l’idée que nous avons de la société et de l’être humain.

Laurent Wauquiez, Christian Jacob, Bruno Retailleau, Jean Leonetti, Franck Proust

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(1) Respectivement président de LR, président du groupe LR à l’Assemblée nationale, président du groupe LR au Sénat, président de la délégation française au groupe du Parti populaire européen (PPE) du Parlement européen et président du Conseil national de LR.